#MeToo: Comprendre, détecter et dénoncer les violences sexistes en Algérie



A l’heure où les violences faites aux femmes atteignent des seuils alarmants partout dans le monde*, la campagne#Metoo(ses variantes et ses déclinaisons régionales un peu partout dans le monde) dénoncent à la base les agressions sexuelles,harcèlement et abus de personnages influents dans le monde intrépide d’Hollywood a remis sous le feu des projecteurs un grave problème de société: la violence faites aux femmes (Abrégé#VFF).



Il est par contre essentiel de comprendre que cette campagne et le développement qu’elle connaît (ralliant des femmes de toutes nationalités, environnement sociaux-économiques, ethnies, religions..)ne marque PAS le début de ce long combat, ni aux États-Unis d’Amérique ni ailleurs dans le monde, et n’en est pas le détonateur.



Ceci étant dit, le25 Novembremarquait comme chaque année une journée de revendications et de sensibilisation autour des violences faites aux femmes. A travers le monde, ce sont manifestations massives, ateliers, cercles de réflexion, et mobilisations mixtes comme non-mixtes qui s’organisent. Cette journée marquait également le début de la campagne des 16 jours d’activisme autour de cette cause des Nations Unies sous le slogan«Leave no one behind»et quiprend fin le 10 décembre, journée internationale des droits humains.



La violence sexiste avant d’être un phénomène collectif, c’est d’abord et avant tout des expériences individuelles et personnelles. Les procédés et les méthodes des auteurs se ressemblent beaucoup évidemment, mais l’histoire de chaque victime reste unique de par sa souffrance et son impact sur sa vie.



Dans ce panorama, il y a certains faits clairement aggravant de ces violences, tant en Algérie que dans le reste du monde:



1-Le fait que beaucoup de femmes ne soient pas toujours capablesd’identifier les violencesmêmes qu’elles subissent, tant ces dernières se sont normalisées, surtout hors violences physiques et sexuelles. Pourtant, ce n’est pas parce qu’une femmes n’a pas encore décédée sous les coups de son compagnon où qu’elle ne sort pas avec un oeil au beurre noir qu’elle n’est pas violentée.



La violence à l’égard des femmes prend plusieurs formes et c’est extrêmement important de faire en sorte que les femmes puissent les reconnaître pour espérer pourvoir y mettre un terme et en sortir, en l’occurrence:




  • Violences verbales:invitations indécentes, remarques déplacées, questions ou confidences sur la vie sexuelle de la victime ou de l’agresseur, propositions sexuelles, incitation à la prostitution …

  • Harcèlement non-verbal:Regards appuyés, gestes équivoques, jeux de langues…

  • Violences psychologiques:sexisme, chantage émotionnel et affectif, humiliations -répétées, dénigrement, menace de kidnapper les enfants, contrôle de la victime (qui se joint aux violences physiques, par exemple en décidant de la tenue vestimentaire de la femme, en décidant de ses déplacements et ses activités…)

  • Violences institutionnelles:inégalités et discriminations explicitement ou implicitement reprises dans les lois du pays, absencede la dimension genre dans la conception des politiques publiques, mauvais traitements aggravant la situation des victimes de violences sexistes comme conséquences des négligences des structures étatiques censées protéger les femmes victimes de mauvais traitements (Postes de police ou et de gendarmerie, centres d’accueil et refuges, hôpitaux…)

  • Violences économiques:priver la femme/fille de son salaire oud’une partie de celui-ci, la priver de son droit à l’héritage, empêcher la femme de travailler …

  • Violences alimentaires:ce type de violences s’appliquent principalement aux femmes physiquement dépendantes de leurs compagnons ou d’autres hommes de leurs familles, qui les privent de nourriture pour les affaiblir physiquement et leur faire du chantage.

  • Violences gynécologiques et obstétricales:ce type de violence très peu abordé se réfèreau fait de perpétrer des actes gynécologiques ou obstétricaux sur les femmes: sans leur consentement ou sans leur avoir expliquer les portées et conséquences de ceux-ci.



Et bien sur les plus «connues» (mais pas plus traitées):




  • Violences physiques:coups, blessures, châtiments corporels, avortements forcés, homicides (dont les crimes «d’honneur»

  • Violences sexuelles:viol –dont le viol conjugal qui est le fait de forcer l’épouse à avoir des relations sexuelles sans son consentement– frôlements, attouchements, baisers, exhibition sexuelle, exploitation sexuelle et prostitution forcée, mutilations sexuelles



Aussi, il est très fréquent que ces types de violences s’accumulent et s’accentuent pour certains collectifs de femmes, parmi elles:




  • Les femmes souffrant de maladies graves/chroniques ou handicap

  • Les femmes migrantes et/ou réfugiées, pendant leur périple et à leur arriver dans la région ou pays de destination

  • Les femmes vivant dans des zones de conflits armés et/ou sous occupation

  • Les femmes de couleurs

  • Les femmes âgées



2- Les injonctions sexistes et patriarcalesdu type «A7amli yak rajlek/sahbek/babak/khouk»(Il faut que tu supportes cela, c'est ton mari/père/frère...)qui reflètent également la perception sociale dantesque des violences perpétrées à l’égard des femmes.



3- La victimisation des auteurs de violences et la culpabilisation des victimes: «Ida drebha tkoun kesh ma daret»(S'il l'a frappée c'est qu'elle a dû faire quelque chose pour le mériter)«3lech 9ele9tih aalabalek nerveux»(Pourquoi tu l'enérves tu sais qu'il est nerveux)«Cheftiha kifeh kherjet labsa hiya tanite»(Tu as vu comment elle est s'est habillée elle aussi l'a bien cherchée quand même...) ou le plus cynique de tous » Allah yerhamha, mechi 7a9 aalih bessah yadra wesh daretlou, errajel mechi mahboul ye9telha bla sebba»(Paix à son âme, c'est injuste ... mais je me demande ce qu'elle a bien pu faire pour le pousser à la tuer.)



4-Un climat social, institutionnel et juridique qui ne favorisent pas la libération de la paroledes victimeset qui les dissuadent de dénoncer les sévices qu’elles subissent. Celles-ci se transforment dans beaucoup de cas en «victimes à vie», c’est-à-dire, des femmes qui subissent différents types de violences de manière fréquente et répétée toute leur vie.



#Metoomais



En parlant des#VFF, on voit souvent que l’on a tendance à très rapidement passerau jugement de la victime en s’indignant qu’elle n’ait jamais parlé à personne de son /ses agression(s) et que donc finalementc’était forcément soit faux soit consentis(?). Mais aussi quand celle-ci sort de son silence, on lui reproche de…ne pas l’avoir fait plus tôt.Or quand les femmes parlent, surtout celles qui subissent des violences conjugales ou des harcèlements sexuels sur le lieu de travail (tous domaines et secteurs confondus) elles se voient quasi-systématiquement accusées dediffamation.



Dans le cas ou l’agresseur est le mari ou le père, l’imam du quartier ou le professeur de sport par exemple, la parole de la victime est souvent battue en brèche sous prétexte que l’agresseur est «un bon père de famille»ou «n’a jamais fait de mal a une mouche».Il est aussi fréquent que celui-ci soitjuste excusécar considéré comme ayant droit sur la victime.



Dans le cas de harcèlement sur le lieu de travail, les femmes victimes de violences se voient très rapidement mises dans la ligne de mire, les obligeant à supporter en plus des sévices, un climat de doute perpétuel, des accusations et des discours du style «elle a du vouloir quelque chose de lui et il a refusé alors elle veut salir sa réputation».



Bien que j’essaye moi même de faire en sorte de briser la culture du silence, il est aussi nécessaire de ne pas faire du«shaming»contre celles qui n’osent toujours sauter le pas, car vraisemblablement les raisons les poussant à prendre une telle décisionsont nombreuses et bien réelles, parmi elles je cite:




  • Honte (liée au point de culpabilisation de la victime que j’ai traité au début)

  • Peur de ne pas être crue, surtout si l’agresseur est un personnage public ou a une certaine notoriété

  • Peur des représailles (Physiques dans le cas des violences domestiques et conjugales , licenciements et diffamations à l’encontre des victimes dans le cadre professionnel ou si l’agresseur a autorité sur la victime)

  • Manque de professionnalisme et de formation des instances responsables de la prise en charge des victimes de violence. Ce qui représente un danger supplémentaire pour ces femmes avec un risque d’aggraver leurs traumatismes (incompétence et insensibilité des policiers/gendarmes chargés de prendre les plaintes, les médecins légistes, les psychologues, et même les avocats et les juges.)

  • Manque de soutien émotionnelde la part de l’entourage et minimisation du phénomène

  • Troubles psychologiques liés au traumatisme dû aux violences, qui ne permet pas aux victimes de se rappeler de tous les détails importants de leur agression



Pourquoi est-ilimportant de parler de tout cela? Car entre tabous, désinformation sexiste et considérations profondément patriarcales, il nous est encore difficile en Algérie de réaliser des progrès substantiels pour inverser la donne. Malgréles progrès au niveau législatif, la réalité du terrain peine à suivre etles moyens déployés pour sont très loin d’être suffisants, particulièrement en ce qui concerne la prévention des VFF mais aussi la prise en charge des victimes.Car il est plus qu’évident que sans plan d’action exhaustif à déployer et qui soit concret et mesurable, ainsi qu’une forte volonté politique et sociale d’attaquer le fond et les bases des VFF au lieu de se concentrer-que faiblement-sur les conséquences, tous les efforts que l’on pourra faire dans ce sens se verront diluer dans un océan d’indifférence et d’incompétence et… ce n’est surtout pas ce à quoi j’aspire pour les femmes de mon pays, et j’espère que vous non plus.



* Quelques chiffres sur les VFF dans le monde par:ONU FEMMES



*Tutobeautédénonçantles VFF

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