L'éducation à la non-violence



Aujourd'hui, nous vivons dans la mer de la violence, et plusieurs ne croient pas qu'il soit possible d'en sortir. Mais, il y a ceux et celles qui cherchent «une nouvelle atmosphère» pour que respire l'être humain ceux qui osent dépasser leur paysage de formation et se souviennent que vivre dans un monde non-violent est possible… mais malheureusement souvent ils sont perçus avec suspicion lorsqu'ils proposent la réconciliation avec leur passé et lorsqu'ils arrêtent de chercher des coupables et parlent plutôt de responsables concernant ce qui est arrivé.



Mais il me semble que depuis toujours certaines femmes et des hommes sont à la recherchent d'autres façon de faire, d'autres manières d'être. En fait, aujourd'hui nous sommes plusieurs femmes à travers le monde à guider les futures générations vers d'autres façon de faire, vers l'éducation à la non-violence Active.



À propos de mon expérience



En 2005, au cours du dernier trimestre de la grossesse de mon garçon, et ce, durant plusieurs nuits, j'ai fait des cauchemars. Vous savez ce genre de cauchemars reliés à la peur de perdre son enfant à la naissance. Mais dans mon cas, de façon répétitive et successive, ce sont plutôt des images de guerres qui se présentaient dans imaginaire durant mon sommeil. Les scènes étaient pratiquement toujours les mêmes – il fallait faire vite, avec mon conjoint nous étions pris dans cette course folle, dans un chaos total, nous devions rapidement nous cacher avec nos garçons au sous-sol car une bombe nucléaire pouvait exploser d'un instant à l'autre. J'ai pensé à plusieurs reprises, à mon réveil, «comme c'est intéressant, je porte la vie en moi et c'est comme si celle-ci m'envoyait une demande de plus en plus forte de la protéger et de la chérir».



Quelques années auparavant, j'avais eu l'opportunité de participer, avec le groupe humaniste, RelayNet à Londres en Angleterre, à des cours de formation sur l'éducation à la non-violence. Au cours de quelques séances nous avions abordé le thème du paysage de formation et du traînage des comportements du paysage de formation dans le moment actuel. En fait, c'est grâce à cette formation que j'ai davantage pris conscience du moment historique, et de la sensibilité dans laquelle j'avais été formée. J'ai alors compris que certains moments de mon histoire personnel - c'est-à-dire de l'enfance à la fin de l'adolescence – avaient encore un impact sur ma façon d'agir et d'être dans le monde. Une fois cette formation complétée, le plus intéressant pour moi a été d'analyser ces moments les plus significatifs de mon paysage de formation. De pouvoir synthétiser ce paysage en y intégrant la mode, les bâtiments, les instruments, les véhicules et la technologie de l'époque pour y retrouver la sensibilité et le tonus affectif général. De pouvoir y examiner la façon dont je regardais les autres et la façon donc j'étais regardé par les autres. Comment étaient mes confrontations, mes fuites, mes replis et mes approbations, sans nécessairement me demander si cela était bien ou mal.



Ici, quand je parle de paysage de formation, je fait allusion aux événements que j'avais vécu depuis mon enfance jusqu'au début de l'âge adulte, et ce, en relation avec un milieu donné. En fait, c'est le paysage de formation qui agit comme un tréfonds d'interprétation et d'action, comme une sensibilité, comme un ensemble de croyances et de valorisations avec lesquels vit un individu ou une génération. En règle générale, nombreuses de nos conduites ont été appris à l'âge de formation et font toujours partie du comportement que nous appelons le comportement 'typique'. C'est à l'âge de formation que nous intégrons des tactiques pour évoluer dans le monde. La plupart de ces tactiques conviennent encore, mais d'autres, sont inefficaces voire créatrices de conflits. Ainsi d'ouvrir la porte à l'étude de la relation qui existait entre les comportements fixés, les tactiques et la sensibilité d'une certaine époque m'a semblé une activité prioritaire pour tous les membres de ma génération (génération X) ayant grandi dans un monde en changements constants au prise avec d'immenses compulsions (pauvreté, conflits armés, guerres, changement climatique, inégalités sociales entre les hommes et les femmes, entre le Nord et le Sud, etc).



Pour moi, ces moments importants de formation étaient situés entre 1978 et 1989. Ici, j'aimerais partager quelques expériences significatives pour moi de ce moment. En effet, il me semble que ceux-ci continuent d'agir et d'orienter ma façon de militer pour la promotion de l'éducation à la non-violence dans le monde alors que d'autres événements ont bloqué et réduit mon action dans le monde.



Les expériences significatives



En 1989, deux importants événements viennent secoués mes représentations et ma conduite dans le monde. Le premier, c'est la chute du socialisme réelle avec la chute du mur de Berlin. Le deuxième est ce certain recul pour les femmes causé, entre autre, par une tuerie perpétré à l'école Polytechnique de l'université de Montréal au Canada (le 8 décembre 1989, 14 jeunes femmes sont tuées par un homme qui n'approuvait pas l'idée que les femmes puissent faire des études supérieures).



En fait, aujourd'hui et avec le recul, je comprends à quel point la chute du mur de Berlin a résonné en moi. Je comprends mieux, cette soif de libération qui m'habite et qui continue de frayer son chemin, même si le monde a totalement changé. Il en va de même pour la tuerie à l'école Polytechnique. Suite à cet événement en tant que femme j'ai ressenti un certain repli sur moi-même. Mais en quelques mois, j'ai su, comme des milliers de femmes rebondir et apprendre à me faire respecter davantage.



Je me souviens encore de ces deux événements de 1989 comme si s'était hier, je me souviens ou j'étais et qu'est-ce que je faisais. La chute du mur de Berlin a été pour moi, un moment de rupture en douceur, une rupture entre le vieux et le renouveau, comme une renaissance. Ce fut la chute sans précédemment d'un système. Une moitié d'un monde - une moitié d'un système supposé monolithique s'écroula devant nos yeux. Et pourtant, quand ce monde là est tombé, il l'a fait sans violence et sans guerres, sans que des dizaines de millions de familles deviennent des réfugiées, sans que des écoles soient attaquées par des bandes armés ou que les élèvent arrêtent d'aller à l'école, sans persécutions, ni génocides! Pour moi ce fut un moment très convaincant de l'histoire de la non-violence. Encore mieux c'est justement à ce moment que plusieurs hommes politiques et religieux de différents horizons culturels travaillèrent sérieusement au désarmement des armes de destructions massives, «les armes nucléaires»- qui avaient été installées un peu partout à travers la planète pour répondre à la menace de l'ennemi. Mais l'ennemi avait disparu, donc les armes pouvaient aussi disparaître.



Mais c'est aussi en 1989 que d'autres hommes embrassèrent des causes dominés par la saveur de l'argent et par des idées et croyances qui rabaissaient l'être humain et l'ensemble de l'humanité à un immense système de consommation et de production. Malheureusement, leurs actions générèrent des facteurs qui augmenta la violence et la souffrance dans le monde et qui creusa davantage certaines inégalités. Conséquemment et comme par magie deux décennies plus tard, nos vieux ennemis sont réapparus sur la mappe monde.



La diffusion de l'éducation à la non-violence



En 2001, je suis devenue formatrice volontaire et j'ai commencé à diffuser l'éducation à la non-violence au Canada et ailleurs dans le monde. Au cours des années, j'ai eu l'opportunité de collaborer avec plusieurs amies et collègues au Canada, aux États-Unis, au Royaume Unis, en France, en Haïti, en Argentine, au Maroc et au Kenya. Grâce à ces collaborations, nous avons pu développer des séries de cours et de formation. Ces cours ont été diffusés dans plusieurs pays et dans plusieurs organisations communautaires, dans des écoles et des universités.



En 2009-2010, j'ai eu l'opportunité de siéger sur le comité promoteur canadien de la Marche mondiale pour la paix et la non-violence. J'ai lancé avec des enseignants et des éducateurs plusieurs activités dans les écoles du Québec et du Canada. Près de 10,000 élèves avaient participé à ces activités. Après la grande marche, plusieurs enseignants souhaitaient poursuivre annuellement les activités pour la promotion de la paix et la non-violence. En 2011, alors que j'étais présidente du Réseau International Humaniste, j'ai lancé le programme scolaire Défi Non-violent (Run This Way). Depuis 2011, à chaque année ce programme propose une série d'activités aux écoles et aux élèves. Plusieurs dizaines de milliers d'élèves y participent. En plus, les élèves sont invités à participer à des courses et des marches. À chaque année le Défi Non violent accumule des centaines de milliers de kilomètres. Tous les kilomètres courus et marchés par les élèves sont remis à une cause ou une personnalité qui œuvre pour la protection des élèves et de l'éducation contre les attaques de la guerre et de la violence.



En 2012, j'ai décidé de lancer une petite entreprise dans l'édition de livrets, livres et ouvrages qui traitent de l'éducation à la non-violence et de l'humanisme.



Évidemment, au cours de tous mes projets j'ai rencontré plusieurs difficultés et obstacles. Mais le plus surprenant pour moi a toujours été les difficultés et les blocages qui provenaient des membres de ma génération et des anciennes générations. Alors qu'auprès des jeunes enfants et des nouvelles générations, cela leur semble tout à fait évident! Évident qu'il faut que cesse la violence! Au fil de temps, j'ai compris que nous, les plus vieux, avions appris à accepter la violence dans nos vies, dans nos relations et dans la société. Nous avions appris que lorsque survient un conflit majeur entre deux pays, déclarer la guerre était la réponse apprise la plus «sûre».



Pourtant, je sais et je sens que c'est totalement faux, puisque d'autres réponses ont été possibles dans l'histoire de l'humanité. Je ne souviens que le mur de Berlin est tombé sans aucune guerres, sans aucun réfugiés, sans aucune persécutions!



Finalement, souhaitons-nous vraiment que nos enfants apprennent la violence, et qu'ils l'apprennent à leurs enfants ? Parce que dans ce monde ou règne l'incertitude, la chose la plus «sûre» c'est si nos enfants apprennent la violence ils seront sûrement la dernière génération de notre civilisation à vivre sur cette planète.



J'espère dans mon fort intérieure que nous serons bientôt des centaines de millions à se souvenir que le mur est tombé sans faire de guerres, sans faire de persécutions ni de génocides!

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