Les accusations de femmes de sorcellerie s'amplifient dans la communauté avec la fin de l'année en cours.



La peur de ne pas arriver à la fin de l’année amène beaucoup de gens de ma communauté à croire aux puissances occultes et autres forces maléfiques que détiendraient certaines personnes dont ils accusent de sorcellerie. Les boucs émissaires sont généralement les femmes, surtout les femmes âgées.



Ces personnes à l’esprit borné, pensent que c’est durant cette période que les sorcières choisissent pour jeter le mal sur les gens, en gargot local«manger leurs victimes».



Ainsi imprégné de ces jugements, tout événement malheureux à savoir la mort d’une personne, la maladie et ou un accident survenus en cette période n’est pas un fait naturel pour eux, mais celui des forces maléfiques donc de la sorcellerie.



En milieux ruraux, les accusations de femmes de sorcellerie ont déjà fait beaucoup de morts, de blessées chaque année parmi les femmes. Les personnes ainsi indexées dans la communauté sont livrées à la vindicte populaire. Si, in extremis les personnes accusées parviennent à être sauvées, c’est leur maison qui est incendiée par la meute des personnes lancées à leur recherche. D’autres victimes se sont vues bannies dans leur village, séparées de leurs maris, de leurs enfants et ou interdites de circuler dans leur village d’origine etc. Ainsi rejetées par les siens, les victimes rescapées vont grossir les rangs de centaine de groupes de vieillards qui mendient chaque vendredi de la semaine à travers la ville Bukavu par manque d’assistance de la part de leur famille et de celui des pouvoirs publics.



Tous ces faits, scènes d’horreurs et actes de violences infligées aux victimes ont été rapportés par les reporters locaux avec forts détails dans les médias. D’autres personnes ont affirmé que beaucoup des manifestations de violences dirigées contres les victimes se sont passées sous l’œil complaisant de certaines autorités locales, étatiques et mêmes judiciaires.



Bien qu’en milieu urbain, les actes d’accusation de femmes de sorcellerie ont fait moins de victimes, le week-end passé, je viens d’assister à l’accusation d’une femme de sorcellerie pendant que j’assistai dans l’avant-midi à un deuil chez un voisin avec d’autres membres de ma communauté.



Je n’ai jamais été témoin oculaire des actes de violences infligées aux personnes victimes mais j’ai écouté le récit de quelques victimes qui on sollicité un accompagnement judiciaire à l’association ADFER/Congo contre les principaux auteurs des violences leurs infligées. En tant que membre de ladite structure, je les avais orientées vers les structures de prise en charge judiciaire.



Il est d’usage lorsqu’on se rend à un deuil, de présenter ses condoléances à la famille endeuillée et puis de s’asseoir avec d’autres personnes. Une fois installée, j’avais demandé à ma voisine de quelle maladie souffrait l’enfant décédé de quelques semaines? Ma voisine fut très étonnée de constater que j’ignorais l’information qui circulait et qui était la cause de la mort de l’enfant et de trois autres de ses frères qui lui ont précédés avant.



En effet, au lieu du deuil, des personnes murmuraient que c’est la grand-mère de l’enfant qui l’avait mangé pour le nouvel an. La mère du petit disparu pleurait en confirmant ces mêmes allégations.



Lorsque l’information fut parvenue à la grand-mère de l’enfant mort, celle-ci rejeta sur le champ cette accusation en déclarant devant tout le monde que son fils et sa belle fille étaient séropositifs du VIH/SIDA et que ces derniers refusaient d’admettre cela. Le démenti de la vielle femme avait fait taire certaines langues mais j’avais remarqué que presque toute l’assistance était convaincue de ses pouvoirs maléfiques et que des groupes de jeunes gens se formaient par ci par la afin de se saisir de la vielle dame.



Par la suite, la situation avait dégénérée jusqu'à ce que deux camps opposés se fussent formés autour de la mère endeuillée et son mari et l’autre autour des grands parents. Après échange des injures, le dernier groupe quitta le lieu du deuil sans attendre le départ pour le cimetière.



Au vu de la croyance à la sorcellerie de la quasi majorité des personnes présentes à la cérémonie, j’avais compris pourquoi les violences de suite des accusations de femme de sorcellerie ont libre court en milieu rural.



Avant de quitter le lieu moi aussi, j’avais essayé de partager ma réflexion sur les preuves qui justifieraient qu’une personne soit qualifiée de sorcellerie avec trois femmes et un homme qui étaient à mes cotés. Le seul argument avancé par mes interlocuteurs était que la vieille femme a toujours été une sorcière sans plus de preuve.



Devant les réactions diverses des personnes présentes à la cérémonie en ce qui concerne la sorcellerie, je pensais que si le pire avait été évité de justesse pour la grand-mère de l’enfant, en milieu rural cela n’aurait pas été possible malgré la présence de son mari et de siens. Aussi j’étais terrifiée à l’idée que j’allais assister à une scène macabre dont je n’allais pas tolérer l’exécution au risque de subir moi aussi des préjudices physiques.



Je me suis aussi interrogée sur les motifs du silence du père de l’enfant décédé pour laisser accusée sa propre mère de sorcellerie bien que sachant son état sérologique et sur comment il va rétablir les relations avec sa famille après ce conflit ouvert?



Enfin l’expérience vécue m’a montré que la lutte contre les accusations de femmes de sorcellerie doit être menée au sein de la communauté.



Jusqu’ici beaucoup d’organisation de la société civile du Sud-Kivu ont toujours fustigé la complaisance et le laxisme dont font montre certains agents de l’ordre et autorités locales devant les violences qui sont infligées aux victimes d’accusation de sorcellerie; dénonciations qui par ailleurs n’ont pas fait évoluer la situation. Les dossiers judiciaires des victimes d’accusation de sorcellerie orientés par Action Debout Femmes Rurales/RD.Congo « ADFER/RD.Congo», n’ont pas échappé à la règle non plus. Malgré l’exécution du jugement d’un dossier, la victime continue à être interdite de regagner son domicile et de cultiver ses champs par certains membres de sa famille et de son entourage au mépris dudit jugement.



Quoique l’autorité de l’Etat soit instaurée sur l’ensemble du territoire national néanmoins plusieurs parties en milieu rural continuent à demeurer des zones de non droit. L’éloignement avec les services judiciaires favorise certain libertinage des auteurs des violences contre les femmes.



Au vu de l’ampleur du phénomène d’accusation des femmes de sorcellerie et bien que les mentalités sont lentes au changement, je pense qu’il y’a nécessité d’intensifier des actions de sensibilisations communautaires.



Avec d’autres personnes, j’ai été formée comme formatrice en sensibilisations communautaires sur les violences sexuelles par l’Institut Africain pour la Psychologie Intégral (IAPI). Dans le cadre du Programme Psychosocial Régional de la Direction du Développement et de la Coopération Suisse (DDC), nous avions mené des séances de sensibilisations communautaires sur les violences sexuelles dans la communauté. Aujourd’hui, beaucoup de membres de la communauté, les leaders locaux s’étaient engagés à lutter contre toutes violences faites aux femmes d’où qu’elles viennent. Ils avaient pris conscience que la violence toute chaque membre de la communauté à différent degré.



En rééditant cette expérience dans la communauté avec comme toile de fond la lutte contre les accusations de femmes de sorcellerie et en formant d’autres formateurs et formatrices, je suis optimiste que nous contribuerons à la réduction progressive de ce phénomène dans ma communauté.

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