violence d'une jeune fille



\"Sexe sans consentement\" : \"Célia parle des mille voix qui résonnaient dans sa tête\" Blandine a signé un texte dans Le Monde pour raconter son cheminement sur le controversé concept de la \"zone grise\". Elle fait notamment référence à cet article donnant la parole à des jeunes femmes qui n'avaient pas consenti. Si ce documentaire est essentiel, c'est qu'il pousse à une prise de conscience majeure, pour les femmes comme pour les hommes. La seule critique qu'on puisse lui faire est d'avoir offert aux femmes un confort pour témoigner auquel les hommes interviewés n'ont pas eu le droit. Si les femmes racontent leurs histoires de leur canapés, chez elle ou dans leur salon, les hommes sont cueillis dans des festivals, ivres parfois. Il y a une histoire que Charlotte (un pseudo), une étudiante de 25 ans, raconte souvent à ses copines sur le ton de la blague. Ça s’est passé lors de son échange universitaire en soirée. Elle avait 20 ans alors, elle aimait faire la fête, et elle était à ce moment-là \"vraiment ivre\". Un jeune homme l’a attrapée, emmenée jusqu’au balcon, lui a baissé le T-shirt et le soutien-gorge et s’est mis à lui lécher la poitrine. \"Je ne bougeais pas, j'étais plutôt inconsciente. J'ai vomi juste après.\" Mais ça n’en est pas resté là : \"Il était toujours là, m'a embrassée et m'a traînée dans ma chambre. Un autre garçon me plaisait à l'époque, j'ai dit que je ne voulais pas. Je me souviens clairement d'avoir agrippé l'encadrure de la porte de la chambre pour ne pas qu'il m'y entraîne. Ma coloc française qui était là était bourrée aussi et aux prises avec un autre gars très ivre. IL m'a dit que tout le monde était adulte ici et qu'il fallait laisser les choses se faire. J'ai abandonné la lutte.\" Comme \"ça n'était pas mauvais, physiquement parlant\", c’est devenu une \"anecdote\" avec un fort arrière-goût de malaise. \"Ce truc-là\", que Charlotte range dans les \"expériences sexuelles foireuses\", lui est arrivé plusieurs fois. \"Enormes malentendus\" Pour elle, ce ne sont pas des viols, \"plutôt des énormes malentendus\" avec \"des gens qui n’étaient pas violents, plutôt très axés sur eux et qui ne se posaient pas la question de mon consentement\". Charlotte a toujours raconté ces histoires en rigolant et avec une bonne dose de culpabilité. \"Ils devaient se dire 'tant qu’elle est là dans mon lit c’est open bar', et je n’ai pas bataillé beaucoup pour les convaincre de l’inverse. Parce que je me disais 'ça va être chiant, il va gueuler', etc.\" Ce que raconte Charlotte n’est pas anecdotique. Demandez autour de vous : qui n’a pas vécu une histoire similaire ? Nous en avons fait l’expérience en lançant un appel à témoignages sur la \"zone grise du consentement\". Disons-le tout de suite. Ce terme nous pose un problème, car il sous-entend que le consentement est quelque chose de compliqué, alors que quand ce n'est pas oui, c'est non. On a utilisé ce terme parce que si on avait sollicité des témoignages de viols, tous ces cas considérés comme limites, flous, auraient été passés sous silence. Plus de 200 histoires nous sont parvenues, écrites dans une écrasante majorité par des femmes, dans des relations hétéros. C’est beaucoup (et beaucoup trop pour être lu d’une traite sans se donner mal à la tête et au bide) et cela nous fait dire que c'est une expérience aussi répandue que le harcèlement de rue. Méconnaissance du viol En parcourant les témoignages, on constate qu’on entre, à votre sens, dans la \"zone grise\" quand il y a un ensemble de \"circonstances atténuantes\" à l’agression sexuelle ou au viol – ce qui, dit comme ça, est problématique. La plupart des personnes qui témoignent n’utilisent pas le mot \"viol\" pour qualifier ces expériences-là. Elles disent \"ce n’était pas vraiment un viol\", \"j’ai fini par céder\", \"je l’avais cherché\", \"il fallait y passer\", \"je l’ai fait par devoir conjugal\", \"par conformisme je suis allée jusqu’au bout\" ou \"pour lui faire plaisir\"... Certains parmi vous, et c’est assez parlant, l’ont appelé \"viol consenti\". \"Cette histoire de zone grise, c'est très dangereux\", nous a reproché une lectrice en colère. \"A partir du moment ou ce n'est pas un oui clair, c'est non. Vous êtes dégueulasses et répugnants de parler de zone grise, ou de 'consentement flou'.\" Parce qu’un viol est un acte sexuel non consenti, de très nombreux témoignages reçus pourraient être considérés comme tels au regard de la loi. Ce qui compte pour la justice est le consentement au moment des faits (et pas deux heures avant). Un viol n’est pas non plus ce qu’en dit l’imaginaire collectif 83% des femmes victimes de viol ou de tentative de viol connaissent leur agresseur. La zone grise, en creux, nous amène à la méconnaissance qui entoure la définition du viol et de sa représentation. Culture du viol Comme le dit la lectrice en colère, le consentement est clair et franc ou il n'est pas. Parce qu’elle établit une hiérarchisation, la zone grise peut être dangereuse car elle est une façon de se dédouaner pour les agresseurs. Jean-Raphaël Bourge, chercheur à Paris-VIII qui travaille sur le consentement sexuel, parle d’une \"zone de refuge pour les violeurs, qui s’abritent derrière une ambiguïté\". \"Résister pour mieux céder\" La \"culture du viol\", c’est l’ensemble des représentations genrées de la sexualité et de la séduction qui permettent et encouragent les violences sexuelles. Laura (un pseudo), 26 ans, pour qui la zone grise n'existe pas, raconte distinctement comment la \"culture du viol\" a pu influer sur sa sexualité : Tant que cette représentation existera, les cas de zone grise aussi. Car finalement, le consentement des femmes, dont la notion n’a émergé que très récemment, est encore un \"assentiment au désir des hommes\", explique Jean-Raphaël Bourge. Culpabilité Plus récemment, un assaut contre la zone grise est parti des campus américains. Des universités ont réglementé les relations sexuelles dans leurs établissements, après plusieurs affaires de viols en soirée étudiante, en obligeant chaque partenaire à vérifier le consentement de l’autre, avant mais aussi après la relation. \"Ça peut paraître jusqu’au-boutiste, mais ça a été radical\", complète Jean-Raphaël Bourge. Viol ou rapport sexuel consenti ? Dans le doute, la police dit \"miol\" \"C'est le moment où on dit oui parce qu'on n'ose pas dire non, où un silence ou une absence de réponse est interprété comme un oui\", explique Lorene Carlin, sage-femme, qui a participé à une campagne sur le consentement. Et la relation à soi Bref, pour faire reculer la zone grise, il faut que tous soient sensibilisés et éduqués au consentement. \"Dans ma famille ou à l’école, personne ne m'a dit que si je disais oui pour un baiser ou un flirt en soirée je n'étais pas obligée d'aller jusqu'au bout et que ça ne faisait pas de moi une allumeuse\", explique Fanny. Ella non plus ne se souvient pas avoir entendu ce mot à l’école. Pendant les cours d’éducation sexuelle, il était surtout question de \"techniques\" et d’apprentissage de la contraception. \"Il faudrait dans les cours d'éducation à la sexualité parler encore plus de consentement, de la relation à soi, à l'autre et du respect de tout ça\", abonde Lorene Carlin. Le consentement sexuel peut être simplement expliqué avec une tasse de thé, comme dans ce fantastique petit spot anglais. Est-ce qu’il viendrait à l’idée de forcer quelqu’un à en boire ? Le consentement peut être retiré à tout moment : on peut vouloir boire du thé mais changer d’avis ; on peut même proposer à l’autre de partager une tasse et pendant que l’eau bout, ne plus en vouloir. On peut accepter la tasse mais refuser le gâteau proposé avec. Cela va de soi : quelqu’un d’endormi ou d’inconscient n’a pas envie de thé. Consentir, c’est faire un choix libre et éclairé. Et \"céder n’est pas consentir\". La plupart du temps, on apprend sur le tas, et à coups d'expériences douloureuses, à dire \"non\". Fanny raconte qu’elle \"date\" beaucoup via des applications, et que ça lui permet de \"s’entraîner\" : \"Je m’affirme, je pose mes limites, c’est un apprentissage.\" D'autres femmes sur l'épaule L’histoire d'une autre Fanny, 26 ans, surveillante, est parlante. Pendant ses années lycée, elle avait \"une petite attirance\" pour un garçon. Quand elle s'est retrouvée dans sa chambre, elle \"ne savait plus\" si elle avait vraiment envie de coucher avec lui. Si une copine l’avait appelée à ce moment, elle aurait eu une excuse pour partir, et s’il lui avait posé la question, elle aurait peut-être dit \"non\". Mais elle s’est \"mis la pression\" pour \"aller jusqu’au bout\". Le soir, elle a pleuré dans son lit : \"Je me sentais sale et je me demandais pourquoi je m'étais rabaissée à coucher avec ce type.\" Pour la jeune femme, le féminisme, découvert plus tard, a été un déclic. Elle rit : elle a l’impression aujourd’hui d’avoir toujours une bande de meufs derrière son épaule qui l’avisent \"ce n’est pas normal, ça\". Parce qu’elles sont là, Fanny ne se sent pas seule au moment de donner ou pas son consentement. Cet été, elle a d’ailleurs dit \"non\" (et ça s’est très bien passé). \"Dire non, c’est faire confiance à l’autre. C’est aussi faire preuve de sincérité que de dire 'là je ne le sens pas, je n’ai plus envie\"\", ajoute-t-elle. Qui ne dit mot ne consent pas Mais c’est aussi OK de ne pas en être toujours capable. Et surtout, il ne s'agit pas seulement de savoir dire, mais avant tout d'entendre et de se soucier du consentement de l'autre. \"Il y a du langage non verbal. Si je fais la gueule quand tu me souris dans la rue, ça veut dire que je ne veux pas que tu viennes me parler par exemple. Dans la sexualité, c'est la même chose\", explique Jean-Raphaël Bourge. Qui ne dit mot ne consent pas par principe, contrairement à ce que dit le proverbe.

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