Dépistage volontaire chez les jeunes



En RDC, bon nombre de personnes hésitent de faire le dépistage volontaire. Si certaines personnes ont peur de connaitre leur état sérologique, d’autres par contre n’y accordent aucune importance. Pourtant, les experts encouragent tout le monde à se faire dépister volontairement pour avoir une sexualité responsable.
La politique actuelle de lutte contre le sida qui repose sur l’extension de l’accès aux traitements et à la prévention exige qu’une proportion élevée de la population connaisse son statut en matière de VIH. Pour cela, l’OMS a proposé le développement de stratégies communautaires délivrant le dépistage et le conseil au-delà des services de soins, comme le test à domicile ou les campagnes de sensibilisation et dépistage de grande envergure, appliqués en Afrique australe et de l’Est. Pour définir les stratégies pertinentes dans des régions de basse prévalence comme l’Afrique de l’Ouest, les expériences communautaires de promotion du dépistage doivent y être évaluées
Les spécialistes de santé publique doivent donc définir pour chaque population la combinaison de stratégies la plus pertinente en prenant en compte les nombreux facteurs qui influent sur le recours au dépistage, que sont notamment le niveau et le type de stigmatisation envers les personnes vivant avec le VIH, les situations de vulnérabilité et le traitement social des populations « vulnérables », les attitudes envers le dépistage et la perception de la population générale d’être concernée par le VIH
Ces stratégies ne reposent pas seulement sur des possibilités techniques : elles visent d’abord à apporter une information au plan individuel ou collectif pour que les personnes ciblées fassent une démarche active de dépistage. Le test est encadré par un conseil pré et post-test, qui en fait un acte de prévention autant qu’un acte de diagnostic, quel que soit le résultat (6). Les campagnes nationales ont pour particularité de comprendre une composante importante de sensibilisation sur l’infection et sur l’intérêt de connaître son statut VIH. Ces stratégies, qui reposent sur des technologies sociales, sont à l’interface entre médecine, santé publique et promotion de la santé. Ces disciplines revendiquent une approche scientifique utilisant des méthodes validées ; ces stratégies devraient donc être évaluées comme des interventions communautaires, sur la base de preuves et en prenant en compte les perceptions des populations (7). Alors que les débats se poursuivent sur les approches les plus pertinentes pour évaluer des interventions communautaires, il est désormais établi que les perceptions des populations et des acteurs locaux ont une pertinence majeure pour l’évaluation en santé, non seulement d’un point de vue émique à portée locale, ce que Juneau et al. ont qualifié de « local and cultural relevance of the evidence » (7), mais aussi dans une perspective étique et globale.i
Selon l’OMS, les campagnes nationales ont l’avantage d’atteindre de nombreuses personnes en levant des barrières structurelles, logistiques et sociales, tout comme elles permettent de toucher des populations vulnérables ou peu accessibles et de normaliser la pratique du dépistage VIH en réduisant le stigmate (5). Leurs inconvénients seraient liés notamment aux investissements nécessaires en termes de planification et de gestion pour assurer des interventions de qualité et éviter un impact négatif sur la demande de tests hors campagnes. L’OMS souligne aussi que les données sont peu disponibles concernant la qualité des prestations, généralement évaluées en nombre de tests pratiqués pendant les campagnes (5). Ces présupposés généraux sont-ils pertinents dans tous les contextes, y compris celui d’un pays sahélien de faible prévalence ? Le propos de cet article est de contribuer à la réflexion sur les avantages et les limites des campagnes à partir de l’analyse des perceptions par les usagers et non usagers d’une campagne nationale de promotion du dépistage menée en 2008 au Burkina Faso.
La méthode a combiné des entretiens de groupes auprès de personnes ayant pratiqué le test ou ne l’ayant pas pratiqué (6), des entretiens individuels approfondis auprès de prestataires de dépistage et conseil VIH (6), des entretiens auprès de personnes ressources et d’autres modes de collecte dont les données ne sont pas présentées ici ;
Une campagne est menée pendant dix jours chaque année à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le sida, parfois complétée par une autre campagne ciblée sur des populations vulnérables (travailleuses du sexe par exemple). Des actions d’information et de sensibilisation planifiées par des comités régionaux et national sont menées par les organisations communautaires, les médias et les équipes de soins, et des sites de dépistage sont ouverts où le conseil est fait individuellement et le test est pratiqué gratuitement. L’utilisation de tests rapides permet de donner les résultats au cours d’un conseil post-test dans la même journée. L’analyse des profils des participants montre qu’entre 2006 et 2010 les campagnes ont permis de dépister 487.727 personnes, soit la moitié des dépistages volontaires réalisés dans des sites communautaires et intégrés dans les structures de soins (11). Un quart des personnes dépistées séropositives l’ont été pendant les campagnes. L’évaluation montre aussi que les campagnes ont touché des populations difficiles à atteindre (en particulier les jeunes), à un coût moindre (11).
Là où j’ai fait (…) vraiment, les gens ont fait ça bien, il y avait beaucoup de gens qui faisaient le test sans craindre quoi. (Dépisté pendant la campagne)
La campagne est bien pour tous parce qu’elle veut nous montrer le bon chemin comme actuellement, si tu as une partenaire, et que tu veux avoir des rapports avec elle, vous devez d’abord faire le test de dépistage. (Dépisté hors campagne)
(L’intérêt de la campagne…) c’est savoir si on est infecté ou pas et en fonction de ça on pourra mieux orienter sa vie si on est conscient de ce qu’on fait et l’aspect gratuit aussi. (Non dépisté)
L’opportunité est suffisamment prégnante pour que des participants qui ont perçu la nécessité de faire un test au cours de l’année attendent le moment de la campagne pour le réaliser. Néanmoins certaines personnes considèrent que l’affluence au moment des campagnes n’est pas due qu’aux avantages de cette stratégie mais aussi à l’évolution des représentations de la population vis-à-vis du risque VIH et de la stigmatisation :
L’information délivrée publiquement est reprise activement : les participants rapportent souvent en avoir discuté, ou mentionnent le relais par d’autres personnes (parents, collègues, amis, camarades d’école).
La multiplication des sites de dépistage est appréciée par tous, ainsi que l’extension des horaires d’ouverture.
La gratuité du dépistage pendant les campagnes est très souvent mentionnée par les participants, et même citée par une partie d’entre eux comme le déterminant principal de l’affluence. D’ailleurs la plupart des répondants pensent que le dépistage est payant en dehors des campagnes, alors que la majorité des sites réalisent le dépistage gratuitement toute l’année.
Les participants émettent aussi une appréciation favorable à propos du fonctionnement des services. C’est particulièrement le cas de personnes qui ont déjà pratiqué un test (ou tenté de le pratiquer) hors campagne. Sont mentionnés notamment les délais pour la restitution des résultats (plus courts pendant la campagne dans quelques sites qui n’avaient pas encore adopté les tests rapides à la date de l’enquête),
Les participants avancent que la mobilisation collective pendant les campagnes a un « effet d’entrainement ».
Chez moi, la différence est que pendant la campagne, on encourage, on encourage les gens à faire le dépistage. Et bon, si c’est pas pendant les campagnes, c’est toi-même qui a décidé d’aller faire, d’aller connaître ton statut séro quoi là, sérologique, voilà sérologique… Parce que tu sais pourquoi tu es allé faire la chose-là, ce test-là. Mais si tu es encouragé par exemple par les amis ou bien par les slogans (…), c’est ça la différence quoi. (Non dépisté)
Cet effet d’entrainement est présenté comme ayant une dimension psychologique, comme l’illustrent notamment les citations ci-dessous :
Moi, je pense plutôt que c’est l’affluence même, si tu voix la foule tu as envie de faire, quand les gens sont beaucoup ça t’attire, je pense que c’est ça. (Dépisté pendant la campagne)
On a plus de courage pendant la campagne. (informateur Dépisté hors campagne)
Il est aussi présenté comme particulièrement opérant chez les jeunes :
Moi je fréquente des élèves ; il y a des élèves qui vont partir parce que leurs camarades sont partis ils ont vu que le test c’est négatif, eux aussi ils vont partir pour voir si mon test est aussi négatif comme l’autre personne. (Dépisté hors campagne)
L’accès aux sites est évoqué par une personne qui n’a pas pu faire son test une première fois à cause de l’affluence.
Le problème c’est que … c’était le débordement de gens jusqu’à ce que d’autres (re)partent sans faire le test parce qu’ils n’avaient pas le temps. (Dépisté pendant la campagne)
Comme elle, d’autres participants sensibilisés pendant la campagne ont préféré se faire dépister plus tard.
Certains répondants critiquent la gestion des résultats pendant la campagne, justifiant ainsi leur réserve vis-à-vis du dépistage :
D’autres qui disent que c’est pas les vrais résultats qu’on donne, on peut te dire, on peut te donner les résultats négatifs et au lieu qu’on dise la vérité que c’est positif, on te dit que c’est négatif… on ne dit pas la vérité pour ne pas décourager les gens. (Non dépisté)
Une personne craint que les tests ne soient pas pratiqués avec autant d’attention qu’en situation habituelle :
-Enquêtrice : Vous pensez que le test fait pendant la campagne n’est pas fiable ?
-Répondant : Encore c’est des Hommes qui manipulent (rire) on peut se tromper aussi, tout peut arriver.
-Enquêtrice : Mais en période hors campagne c’est des Hommes qui manipulent aussi.
-Répondant : Oui, mais les gens ne partent pas en masse comme ça, nous sommes des humains.
Quand il y a la masse, souvent on ne réfléchit pas, on réfléchit mais souvent le cerveau est fatigué, tu peux te tromper aussi mettre un résultat indéterminé ou positif. (Dépisté hors campagne)
Des personnes évoquent la brièveté du conseil pendant les campagnes. C’est surtout le conseil post-test en cas de résultat VIH négatif qui est perçu comme trop bref :
Moi je trouve qu’il n’y a pas un entretien après le test proprement dit quoi. (Dépisté hors campagne)
Certains participants craignent que la confidentialité ne soit pas toujours respectée par les prestataires. Ces craintes sont surtout liées aux modes de recours au dépistage pendant les campagnes. Avoir été sensibilisé collectivement, décider d’aller faire le test à plusieurs pourrait impliquer que l’on partage les résultats, ou au moins qu’il sera difficile de ne pas les partager. Dire son résultat semble relever des rapports usuels dans une relation amicale ou une relation de parenté au cours de laquelle « ne pas dire » peut être considéré comme un équivalent de « cacher », surtout auprès d’un aîné. Certaines personnes partagent leur résultat spontanément, et peuvent en plaisanter comme dans l’extrait suivant, ce qui explique la crainte d’une situation où l’un des résultats serait positif.
Lorsqu’ils plébiscitent les campagnes, les témoignages et points de vue des participants mettent en lumière les insuffisances réelles ou perçues des services hors campagnes : coût, mode d’organisation nécessitant plusieurs déplacements, indisponibilité des tests par manque de réactifs. Du fait de l’investissement exceptionnel en termes d’organisation, les campagnes constituent un moment où les sites fonctionnent « normalement » dans un contexte de pénurie. La gratuité du test permet alors d’accéder à une prise en charge indispensable à des personnes qui n’avaient pu connaître leur statut VIH par manque de moyens financiers (ou parce qu’elles pensaient à tort que le dépistage était toujours payant), même dans des cas où le test avait été prescrit ou conseillé par un médecin sur la base de symptômes ou d’un contexte à risque ; à cet égard les campagnes apparaissent comme un « filet de secours » en matière d’accès universel au traitement.
Les appréciations de « l’ambiance » dans les sites de dépistage et les récits des situations d’échanges d’informations hors sites au moment des campagnes montrent que la stigmatisation et la crainte de jugements moraux ne constituent plus des freins majeurs au dépistage ;
L’écueil ne résiderait pas dans l’abus de pouvoir d’un tiers exigeant de connaître le statut VIH d’une personne, ni dans une forme de coercition pour qu’il soit révélé, mais dans les normes sociales de partage de toute information qui ne saurait être traitée comme « privative ». Ces nouveaux enjeux pourraient être le « prix à payer » pour l’efficacité des campagnes en termes d’accès universel, qui a été documentée.
VIH, qu’ils évaluent selon des critères proches de ceux utilisés par l’OMS. Les avantages (sensibilisation, facilité d’accès au test, effet d’entrainement, qualité des services meilleure qu’en dehors des campagnes) dépassent pour eux largement les inconvénients et limites, essentiellement liés à l’affluence. Contrairement aux craintes (5), les campagnes n’atteignent pas seulement une population générale peu concernée : « l’effet d’entrainement » rapporté et apprécié favorablement par les usagers leur permet de compléter les autres stratégies de dépistage et d’en compenser certaines insuffisances. Les avis des usagers laissent penser qu’en apportant une information de manière intensive et en focalisant la sensibilisation sur une période donnée, les campagnes sont appréciées en tant que technologies sociales de mobilisation, et pourraient avoir joué un rôle clé dans la réduction de la stigmatisation.
Cette analyse des appréciations des usagers contribue à l’évaluation des stratégies communautaires de dépistage. Les campagnes semblent pouvoir encore jouer un rôle important pour la population générale, ce qui implique de prendre en compte les nouveaux enjeux éthiques qu’elles soulèvent.

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