Algérie: du blabla en rose un mois d’octobre.



 



(Disclaimer: un grand merci à tous les médecins, étudiant-e-s en médecine et autres personnes & collectifs qui essayent de faire ce qu’ils peuvent avec leurs moyens pour faire en sorte qu’#octobrerose soit plus que du blabla tout rose.)



Le cancer du sein est le cancer le plus commun et le plus mortel chez les femmes. Chez les femmes & hommes confondus, c’est le deuxième plus répandu après le cancer du poumon.* En Algérie, on enregistre plus de 12.000 nouveaux cas chaque année, selon l’APS. Suis-je en train de vous écrire un nième article sur ce qu’est le cancer du sein et la nécessité du dépistage précoce & l’autopalpation ? Non non, il y en a assez je pense (en voici un qui est assez complet d’ailleurs.)



Cela fait un mois que j’entends de tout (et n’importe quoi) sur le mois « octobre rose », à mesure que les publications et les photos passaient, je ressentais un mélange de colère et d’impuissance. Le marketing « rose » à outrance sous couvert de campagne de sensibilisation, les publications sans grands sens, le tapage médiatique, pas forcément accompagné de mesures utiles, les actions qui ne dépassent pas les grandes villes…



Et voilà que je me rappelle d’une intervention d’un Professeur (dont j’ai oublié le nom, vous m’en excuserez ) il y a 15 jours environs à la Radio Chaîne 3. Sans grande SURPRISE il y dresse un tableau plus que sombre sur le sujet, sur les centres anti-cancer, sur la situation socio-économique mais aussi psychique des femmes auxquelles on détecte un cancer du sein et leur destiné etc., ainsi que sur l’étendu du « tiriberkisme » (faire n'importe quoi) en termes de PRÉVENTION en Algérie. Le constat est là: défaillances à tous les niveaux, lourdes factures.



Ce constat est bien évidemment repris à maintes reprises par les professionnels de la santé, comme c’était le cas du chef de service d’épidémiologie et médecine préventive à l’Etablissement hospitalo-universitaire (EHU) d’Oran, Nori Midoun, dans un article d'Algérie Presse Service qui date de février dernier. Clairement, sans RÉELLE VOLONTÉ POLITIQUE, sans plan national avec moyens attribués à ça, on n’ira pas bien loin, et ce n’est pas moi qui le dit (même si c’est assez intuitif) ce sont les professionnels de la santé.



Alors, oui c’est bien de dire une fois de l’an aux femmes d’aller faire un dépistage, et de l’auto-exploration, mais le reste doit SUIVRE ou plutôt précéder si j’ose dire. Manque d’informations & manque de moyens font que beaucoup de femmes en Algérie, même sensibilisées et voulant agir ne savent pas vers quelles structures se diriger. Pour certaines, même quand ces informations sont disponibles, ces structures sont débordées et ne peuvent les accueillir. En milieu rural & saharien la situation est plus grave.



D’ici là, nos femmes continueront à succomber à une maladie, qui dans certains cas peut être traitée convenablement. Si elles n’y succombent pas, elles y laisseront leur(s) sein(s). Mais ce n’est pas si important que cela n’est-ce-pas?



Pour l’accompagnement psychologique des malades il faudra repasser (pour ce cancer ou tout autre d’ailleurs). Pour l’appui aux femmes abandonnées par leurs époux après qu’on leur ait détectées un cancer du sein, il faudra attendre un peu plus…qu’est-ce que 4.000 femmes/an abandonnées à leur sort après tout? (chiffres présentées par l’association Amel, 2014).



Cela nous rappelle une nième fois que dans les pays qui se respectent, ou plutôt, dans les pays qui sont régis par des Gouvernants au service de leurs peuples, la vie humaine a un sens, la conscience professionnelle et la responsabilité politique aussi.



Dans un pays qui se respecte, on ne se vente pas des années d’avoir des reserves de change élevées alors que les services publics sont totalement défaillants. Dans un pays qui se respecte, avec des Gouvernements qui sont à leur place pour les bonnes raisons et par des biais démocratiques, les plans nationaux anti-cancer sont un « must », la santé publique est un axe primordial & prioritaire du Gouvernement, et la dignité humaine est au coeur des préoccupations.



Dans un pays qui se respecte, on suit sa population, on analyse, on planifie, on convoque, on sensibilise, on attribue les budgets adéquats… et dans d’autres, on en vient à essayer de faire gagner des dépistages gratuits par des cliniques en collaboration avec des influenceuses sur les réseaux sociaux.



Par les temps que nous traversons, et un Hirak (Mouvement Populaire) qui vit ses moments les plus intenses, puissions-nous nous rappeler de la ô combien nécessaire convergence des luttes. Puissions-nous nous rappeler que le secteur de la santé, aux côtés de la justice et de l’éducation est le grand malade et la grande victime du régime actuel. Les Algerien-ne-s méritent mieux que ça, nous méritons mieux que cela.



Soumeya LERARI.



*https://www.wcrf.org/dietandcancer/cancer-trends/worldwide-cancer-data

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